Résumé : La végétalisation des villes et la gestion d’eau de pluie à la parcelle sont deux axes de développement importants pour que la ville soit plus résiliente au changement climatique et aux risques naturels.
Le mur végétal Solioti tend à devenir une technique de gestion d’eaux de pluie à la parcelle, permettant d’allier les deux axes de développement en un seul produit. En effet, avec un système d’arrosage adapté, le mur végétal peut abattre les volume d’eaux à traiter, stocker le volume restant et le restituer aux réseaux de collecte.
Introduction :
Face au changement climatique et à l’augmentation des risques naturels, la ville doit évoluer pour devenir plus résiliente. Pour cela, en juin 2022, le gouvernement a annoncé un plan de 500 milliards d’euros pour lutter contre le phénomène d’îlots de chaleur [FranceInfo, 2022]. Les solutions sont diverses : plantations d’arbres, nouveaux espaces verts, murs et toitures végétalisés…
Si le mur végétal est une des solutions pour rafraîchir nos villes, il n’en demeure pas moins un produit technique. En effet, ce type d’installations souffre d’une mauvaise réputation due à l’utilisation de matériaux peu écologiques et énergivores, ainsi qu’à un système d’arrosage peu adapté.
Pour être plus efficace face aux risques d’inondations et de pollution des milieux naturels, la ville ne doit pas uniquement passer par la végétalisation, mais aussi par la gestion de l’eau de pluie à la parcelle. En effet, peu à peu, l’aménagement urbain se dirige vers une ville « éponge » qui absorbe l’eau directement là où elle tombe [Le Moniteur N° 6188, 2022].
Solioti est une start-up voulant donner un renouveau à la végétalisation urbaine des bâtiments avec, entre autres, un mur végétal autour de deux innovations : un substrat en textile recyclé et un système d’arrosage autonome. Ce projet a été réfléchi comme une nouvelle technique de gestion d’eau de pluie à la parcelle afin d’allier les bénéfices de la végétalisation à ceux de la gestion de l’eau.
Ainsi, nous pouvons nous demander comment le mur végétal peut-il devenir une technique alternative de gestion de l’eau de pluie en ville ?
Dans une première partie, nous contextualiserons la gestion de pluie à la parcelle et présenterons les principes qui façonnent les techniques permettant cette gestion. Par la suite, nous verrons en quoi le mur végétal VERT-tical/Solioti répond aux principes présentés.
I. La gestion d’eaux de pluie urbaines : nouvelles problématiques de la ville de demain
1. 1. De la ville imperméable à la ville « éponge », comment la place de l’eau en ville évolue
Depuis la période hygiéniste, les réseaux d’assainissement collectent et acheminent les eaux vers des stations d’épuration pour qu’elles soient traitées. Deux situations sont alors possibles :
- Soit le réseau est unitaire, c’est-à-dire que les eaux usées sont mélangées aux eaux de pluie dans une même canalisation. Il s’agit du type de réseau majoritaire en milieu urbain ;
- Soit il est séparatif et les eaux usées et les eaux de pluie sont dans deux canalisations séparées.
Ces réseaux possèdent cependant leurs limites. Pour les réseaux unitaires, les fortes pluies apportent un afflux d’eau conséquent aux stations d’épuration qui est difficile à traiter rapidement, voire impossible. Tandis que les réseaux séparatifs sont chers pour la commune et les erreurs de raccordements sont fréquents.
Mais les deux types d’installation font actuellement face à un problème majeur. En effet, les canalisations sont sujets à de nombreux débordements face à la quantité grandissante d’eau de pluie à récolter.
Mais d’où vient cette eau de pluie supplémentaire ? Celle-ci a deux sources principales : le changement climatique et l’urbanisation.
Dans un premier temps, le changement climatique mène à l’augmentation des phénomènes extrêmes, dont les fortes pluies font parties. Les études montrent que les événements de fortes pluies sont plus intenses depuis le début du 20e siècle [20 minutes, 2014].
Cette augmentation des événements extrêmes est accompagnée en ville par l’imperméabilisation des sols. En effet, les principaux matériaux qui y sont utilisés sont imperméables et empêchent l’eau de s’infiltrer dans le sol.
La carte ci-dessous, tiré du Schéma Directeur de l’Aménagement et de la gestion de l’eau 2022-2027 du bassin Artois-Picardie, montre que les villes n’ont cessé de s’étendre allant jusqu’à un gain de plus de 7% d’espaces urbains en 8 ans.
Ainsi, l’une des solutions est de traiter l’eau de pluie dès qu’elle touche le sol. Ce type de gestion est appelé « gestion intégrée de l’eau à la parcelle ». Diverses techniques existent et nous allons nous pencher sur les principes qui les définissent exactement.
I.2. Les techniques alternatives de gestion des eaux de pluie : entre stockage, abattement volumique et restitution aux réseaux de collecte
D’abord moins coûteux, les techniques de gestion d’eau de pluie ont aussi pour but de baisser les ruissellements sur la chaussée et donc de réduire les inondations et la pollution de l’eau. Ces techniques sont basées sur trois principes : abattre les volumes d’eaux de pluie à traiter, stocker l’eau et la restituer de manière décalée aux réseaux de collectes.
L’abattement du volume d’eaux de pluie est l’une des fonctions principales de ces techniques. En effet, cet abattement prend la plupart du temps la forme d’une infiltration des eaux dans des sols plus ou moins perméables. On peut citer les pavés drainants qui remplacent le béton et permet à l’eau de pluie de s’infiltrer quasiment immédiatement après avoir touché le sol, ou des ouvrages comme des noues où l’infiltration peut être plus lente.
Certaines installations permettent aussi de stocker l’eau de pluie récoltée quand celle-ci n’est pas infiltrée. La capacité de stockage est généralement calculée en fonction des pluies fortes identifiées par Météo France. Ces ouvrages de stockage vont par ailleurs restituer à faible débit le volume d’eau aux réseaux de collecte. C’est le principe de restitution au réseau de collecte.
Dans certains cas, il est aussi possible d’observer une baisse de la pollution des eaux. En effet, ce qui fait qu’une eau de pluie est polluée, c’est le fait qu’elle ruisselle sur la chaussée et se charge de polluants divers. En s’infiltrant immédiatement, l’eau n’a pas le temps de capter la pollution. Tandis qu’en passant par des méthodes végétalisées, comme des noues, la végétation capte une part de la pollution.
L’un des buts du projet Solioti est de développer un mur végétal dont le système d’arrosage permet de gérer les eaux à la parcelle, au même titre que d’autres techniques alternatives. Mais pour pouvoir parler du mur végétal comme d’une technique alternative de gestion d’eaux de pluie, il faut que le système réponde aux principes mentionnés précédemment.
II. Le développement d’un mur végétal autour des principes des techniques alternatives de gestions des eaux de pluie
2. 1. Étude de l’abattement volumique avec les démonstrateurs de mur végétal et mise en place d’une feuille de calcul pour dimensionner la cuve de stockage
Sur le système Solioti, l’eau de pluie est récupérée depuis la toiture du bâtiment sur lequel est installé le mur végétal.
Deux cuves sont alors utilisées. La première sert à stocker les eaux de pluie à l’échelle du bâtiment. La seconde stocke en circuit fermé l’eau alimentant le mur végétal. Lorsque la cuve en circuit fermé se vide, elle est alimentée par la cuve d’eau de pluie de plus grande dimension.
Grâce à des capteurs de température ambiante et d’humidité dans le support du mur végétal, l’automate du système analyse les besoins d’arrosage et d’optimise l’intensité de l’arrosage suivant les prévisions météorologiques et de la quantité d’eau de pluie présente dans la cuve.
Ce système en circuit fermé à deux cuves permet d’économiser la ressource en eau et de ne pas polluer la cuve d’eaux de pluie avec de l’engrais et de la matière organique provenant du mur. Ainsi, l’eau de pluie peut être rejetée dans les réseaux en cas de vidange ou de trop plein.
Deux démonstrateurs (avec Kiabi et Vilogia/Nacarat) ont été posés entre août et septembre 2021, afin de tester le projet à grande échelle, de collecter des données et de corriger les problèmes rencontrés avant l’industrialisation.
Sur ces démonstrateurs, il y a des compteurs pour analyser la consommation d’eau du mur en fonction de la quantité d’eau arrosée et de la quantité d’eau en retour de l’arrosage. En effet, cette consommation représente dans ce contexte l’abattement du volume à traiter, principe mentionné précédemment.
Pour l’heure, l’analyse des données de ces trois démonstrateurs a permis la mise en place d’un Outil d’aide à la décision au dimensionnement de la cuve.
Cet OAD reprend les méthodes présentées dans des études de référence [ASTEE, 2015] autour de la gestion des eaux de pluie. De toutes les méthodes qui y sont présentées, la plus pertinente dans le cas du mur végétal a été celle d’une simulation journalière du remplissage de cuve. En effet, l’utilisation de données météorologiques dans la technologie d’arrosage permettent de prévoir la consommation du mur végétal.
Ainsi, la simulation est nourrie des données suivantes :
- Surface et consommation du mur végétal en fonction de la température ;
- Données pluviométriques et de températures moyennes de la station météorologique la plus proche sur les trois dernières années ;
- Surface de collecte et type de toiture.
II.2. Établir un protocole de restitution des eaux de pluie aux réseaux de collecte
A ce jour, récupérer l’eau de pluie depuis une toiture pour la stocker dans une cuve n’est pas à proprement parler une gestion intégrée des eaux de pluie. En effet, il manque l’aspect où l’eau est renvoyée au réseau de collecte avant les prochaines pluies. Sans cela, la cuve ne permet pas de gérer la plupart des pluies, car elle n’est pas toujours suffisamment vide lors qu’il pleut.
Ce sujet est pourtant sensible, car l’idée principale est de vider la cuve d’eau en cas de fortes pluies. Cependant, le choix se fait en fonction des données météorologiques. Mais quelle est la précision réelle de ces données ? Celles-ci sont précises à l’heure et à la parcelle près, mais quelle est la marge d’erreur ?
En effet, mieux vaut-il vidanger la cuve alors qu’il n’y ait finalement pas de pluie, avec le risque de ne pas avoir assez d’eau à disposition jusqu’à la prochaine pluie ? Ou est-il préférable de ne pas vidanger, au risque de ne pas pouvoir tamponner les eaux de pluie ?
Afin de pallier les problématiques amenées par ces questions, le système d’arrosage a été adapté afin qu’il puisse faire de l’auto-apprentissage et ainsi adapter son programme en fonction de ses erreurs.
Ainsi, avec une vidange préventive, notre système répond aux différents principes de la gestion d’eau de pluie à la parcelle : stockage, abattement des volumes et restitution au réseau de collecte.